La musique du coeur

La clé tourne , lentement, dans la serrure. Un mouvement de la poignée, léger, indique que quelqu'un entre. Quelqu'un qui a les clés. Ce quelqu'un, c'est moi. Et cette pièce, c'est ma chambre. Presque 1 an de décorations diverses et variées, de post-it collés et décollés, de traces de vieille Patafix sur les murs sombres et de vêtements jetés ça et là. Presque 1 an de vie ici, loin de ma famille, de mes amis, des gens normaux. Ici, même le concierge cache un truc ! Même si ce n'est qu'une bouteille de whisky soixante ans d'âge sous son matelas. Eh oui, un an est bien nécessaire pour apprivoiser cet endroit. Ces recoins les plus secrets me sont familiers, tout comme le bureau du proviseur. Je n'ai jamais vraiment apprécié ce gars là. Il a trop une tête à baffes.

Je referme derrière moi-c'est l'habitude-et pose mon sac par terre. Devant moi s'étale plusieurs feuilles, toutes remplies de paroles de chansons inachevées. Au fond de la pièce, mon lit est acculé contre le mur. Ma couette à carreaux écossais est bordée, mais le tiroir de ma table de chevet,guéridon qui disparaît sous les albums et les CDs en vrac, est ouvert. On y aperçoit mon casque, le bouquin à lire en littérature, deux ou trois paires de boucles d'oreilles et, le plus important, une clé USB. MA clé USB. Un petit bijou, 16 Go de musique diverse et variée qui n'attendent qu'a être chargés sur mon ordi. D'ailleurs, je retire mon pull, enlève mes chaussures et m'assoie au bureau qui jouxte le lit. Lui est bien rangé, seul un pot à crayon et une souris sont visibles. Je tire du dessous de la table l'ordinateur que l'Académie nous fournit. Je n'ai pas à m'en plaindre, il est très efficace et n'a pas encore subit de gros bugs. Vive le progrès. En s'allumant, il démarre l'une de mes compos. Un solo de 30 secondes, pour remplacer le jingle insupportable de Windows. J'entre mon mot de passe, mon deuxième mot de passe-je suis légèrement parano- et ouvre le fichier du moment. C'est un Word banal, mais sur lequel j'essaie d'écrire les paroles de ma prochaine compo. Qui fait, pour le moment, vraiment pitié. Je me retourne, vérifie dans un élan de stress que ma guitare et mon empli' sont bien là. Ouf. Retournant à l'écran, je lance la bande son que j'ai déjà enregistrée. J'ai moins de mal avec la musique qu'avec les paroles en ce moment. Les premiers accords s'égrenent lentement, tandis que, me rongeant le pouce, je laisse la musique m'envahir. Si, Ré mineur...
Sometimes
You can be scared
If you buck up after
The whole world
Is not against you
It's not difficult
Go,go, go far away
But it can't save you
Be careful
Je prends le clavier sur mes genoux et commence à taper. Les paroles, pour une fois, me viennent naturellement. Dans ma tête, les couplets s’enchaînent. Je repose le clavier, me lève, attrape ma guitare et allume l'ampli. Je me jette sur mon lit et accompagne la bande son qui continue de tourner. Ma voix s'élève, les notes résonnent, et tant pis pour les voisins. Je chante pas si mal que ça, non ?